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Carnaval de Cholet

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1911 Les « mariées » de l’an 11

Pour la quatrième fois de l’histoire de la Mi-Carême de Cholet, le comité des fêtes a organisé l’élection des reines de Cholet et de la 6e mi-carême du 26 mars 1911.

Pour ces « heureuses » élues, Melle Marie Hardy, reine du mouchoir, Melles Reine Poirier (un prénom de circonstance) et Marie Roger, la réception au foyer du théâtre avec ses discours, son pétillant et ses petits fours, est un passage obligé de la fête. Et pourtant, à voir sur la photographie les mines figées de ce jour, on n’a pas l’impression de vivre un grand moment de liesse. Sous ses ors néo-classiques, le foyer du théâtre (inauguré le 5 octobre 1886) offre un vaste espace, moins austère que la mairie, pour accueillir les nombreux invités de cette journée pas comme les autres.

Le public présent a revêtu ses plus beaux atours. De nombreuses dames portent la coiffe choletaise des jours de fête, d’autres dames arborent leur chapeau à plumes (probablement femmes des membres du comité) et les hommes portent majoritairement le chapeau melon. Les enfants eux-mêmes portent tous une coiffure particulière.

Tête nue, les patriarches du comité des fêtes, à la moustache soignée, (on appréciera les gants blancs et la chemise du président dans le rôle du jeune-premier, dont les dentelles s’harmonisent avec celles  de la reine), s’avancent avec pompe – au moins quarante années les séparent – tenant à leur bras droit ces jeunes majestés couronnées qui font l’admiration des spectateurs de la Mi-Carême. Pendant quelques heures seulement, elles quittent leur anonymat quotidien d’ouvrières appliquées et vertueuses, selon les qualificatifs qui leurs sont attribuées pour être éligibles.

Pas beaucoup de différences entre la sortie d’église d’une mariée suivie de ses demoiselles d’honneur et ce spectacle mis en scène au théâtre. C’est peut-être même plus raffiné que des noces, spectacle cependant maniéré voire suranné. Mais l’endroit veut qu’on y joue des comédies aussi bien que des tragédies. Dans ce temple laïc, haut lieu de toutes les hypocrisies, au sens littéral du terme (jeux de comédiens), ce cérémonial correspond tout-à-fait. D’ailleurs, La Rochefoucauld prétendait que « L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. »

C’est un court instant de la Mi-Carême, tout à la gloire de ces jeunes filles dont les mères, on s’en doute, doivent être toute proches, attentives à la bonne tenue des dentelles amidonnées et des bouquets. Pères, frères et sœurs quel que soit leur âge, les accompagnent.

Tout au fond, des membres du comité en pleine fleur de l’âge, moustache noire et chapeau-claque, se bousculent et se haussent sur la pointe des pieds pour apparaître coûte que coûte sur le cliché. De chaque côté de la porte, aux fenêtres, et symétriquement, apparaissent derrière les vitres les visages flous de ceux qui n’ont pas pu sortir pour vivre la scène à l’extérieur. C’est tout comme chez Guignol.

Un moment, tout le monde s’immobilise à l’appel du photographe. Ce n’est plus vers les reines que se portent les regards, mais vers l’objectif ! Hormis quelques exceptions : des hommes, bien sûr, captivés par ces « épouses » diaphanes.

En effet, comme chaque année, le photographe a dressé son trépied sur une estrade et installé son appareil à soufflets face aux quelques marches devant la porte du théâtre pour immortaliser la scène de la sortie de la reine et de ses vice-reines. C’est lui qui tient la meilleure place. La maréchaussée, en tenue de gala et fourragère, écarte la foule en éventail comme un rideau de scène s’ouvrant sur la salle.

En revanche, les jeunes pages, qui accompagnent les reines, ne sont pas à la fête ! L’un d’entre eux tente désespérément d’émerger pour se montrer sous son bonnet un tantinet médiéval.

Aujourd’hui comme hier, la prise de vue plongeante reste admirable. La sortie de la mairie se présente comme une cascade fleurie, sans en déformer les acteurs malgré la position surélevée de l’appareil photographique. Une très bonne profondeur de champ assure la netteté de tous les participants, au premier plan comme à l’arrière-plan, un cliché à la fois historique et artistique.

Mais dans ce tableau d’un dimanche de fin d’hiver, il manque malgré tout des acteurs importants et indispensables de la Mi-Carême : les carnavaleux. Il est toujours possible de prétendre que ceux-ci sont trop affairés sur leurs chars et trop pris dans le tournoiement des farandoles pour être fixés sur la pellicule. Leurs déguisements ne viendraient-ils pas troubler le bel ordonnancement de la scène ? Peut-être que pour une fois ce sont les absents qui ont raison. Au moins, eux, ils s’amusent pendant ce temps-là…

Mais, faut-il le rappeler, les reines, c’est l’affaire du comité des fêtes, dont les membres, en ce temps-là, appartiennent souvent au monde du commerce et de l’industrie. Une photographie qui les rassemble un jour de Mi-Carême, même sans les faiseurs de la fête, c’est malgré tout une bonne publicité. Elle vaut de l’or !


Photographies – Archives de l’Amicale des Carnavaliers de Cholet

Cholet – Histoire de règnes