Les cheminées et girouettes des cavalcades, mi-carêmes et carnavals de Cholet
De la fin du 19e siècle jusqu’au milieu du 20e siècle, les hautes cheminées des manufactures et des usines étaient les symboles de l’activité et de prospérité industrielles dans toutes les grandes villes. Et Cholet n’a pas manqué de brandir les siennes vers le ciel. Et puis, il y avait toutes ces cheminées, parfois surmontées de girouettes, qui fumaient chaque hiver tant qu’elles pouvaient au sommet des maisons et des immeubles. La mi-carême et le carnaval ne pouvaient pas manquer de faire aussi une belle collection de cheminées et de girouettes.
Cavalcade du 23 août 1885
La première représentation connue d’une cheminée sur un char, c’est le 23 août 1885 : le char de l’Industrie. « Liberté et travail » y sont réunis. Question: Est-ce le travail qui induit et construit la liberté ou la liberté qui permet d’accomplir un travail épanouissant ? Quant à la liberté de choisir son travail, le débat reste d’actualité.
Sur ce char de 1885, le fuselage de cette cheminée est presque parfait : elle s’affine progressivement vers le haut. Pas facile de coller le papier qui porte les briques sur cette forme conique pour garder l’horizontalité de chaque rangée. La cheminée est précédée par le grand four. Mais il a fallu redresser la cheminée pour qu’elle soit verticale. En effet, la masse de cet ensemble incline le plateau vers l’arrière. Ce constat ne pouvait être fait que le jour de la fête, puisque c’est au dernier moment, ou la veille, que le plateau où était bâtie la structure du char, était glissé sur le chariot porteur.
19e Mi-Carême 30 mars 1930
Le programme de la 19e Mi-Carême, le 30 mars 1930, affiche fièrement deux hautes cheminées d’usine qui dominent devant les flèches de Notre-Dame. Elles apparaissent en contre-jour, à la tombée de la nuit. Très nettement, le laïc l’emporte sur le religieux. Cependant, les deux vivent en harmonie. De ces cheminées s’échappent des messages à la gloire du beau linge de Cholet, séché sur le pré, et plus particulièrement, le fameux mouchoir. Et plus la fumée est dense, portée par le vent, plus grande sera la réussite économique !
21e mi-carême 20 mars 1932
Le char En veillée chez la Mère Bottereau présente l’âtre d’une cheminée traditionnelle. Au cours de la veillée, on se raconte (peut-être) des histoires de loup-garou ! Sur le manteau de la cheminée, les fusils de chasse sont accrochés. Sage précaution, des fois aussi qu’un visiteur inopportun viendrait à se présenter… Les Mauges ont en mémoire les Guerres de Vendée. D’ailleurs, en ce jour de fête, même sous les masques, la gravité des visages est de rigueur !
34e mi-carême 4 mars 1951
Petite cheminée, certes, mais grand vent avec Le Roi Cyclone…
35e mi-carême 23 mars 1952
Et quand le vent souffle, il fait tourner les girouettes ! En voici une censée améliorer l’échappement de la fumée montant de la cheminée : fumée noire du charbon brûlé ou fumée noire des premiers poêles à fuel. En ce jour de Mi-Carême où il pleut, il fait un temps à allumer son chauffage, pas à sortir la tête par les vasistas !
Le plus subtil, c’est une fois de plus le respect du placement des briques de la cheminée en quinconce.
52e Mi-Carême 1er avril 1979
Étrange perspective : Sur ce char, Les Magiciens du Dimanche (La Jeune France), une illusion d’empilement de personnages chapeautés. Juste sur la droite, une cheminée du passé ne délivrant plus aucune fumée, inscrite fièrement dans le paysage, mais qu’on pourrait croire à l’angle du char lui-même, comme un cigare debout sur le bord du chapeau.
98e Carnaval de Cholet 7 juin 2015
System’D ressent le vent qui décoiffe et qui tant varie. Le char Au Gré des Vents ne manque ni de cheminées ni de girouettes. D’autres cheminées, à deux pattes, précèdent le char.
Au passage, on remarquera la ressemblance (involontaire) entre la petite maison au sommet du char 2015, sous le souffle d’Éole, et la petite maison du char de 1951 Le Roi Cyclone.
Centième carnaval – 2 et 8 avril 2017
System’D évoque la longue histoire des carnavaliers sous le titre Toujours rebelles.
Les carnavaliers, ont toujours fait front contre les aléas contraires : crises économiques (1935) – Guerres – Crise de confiance (1960 1961) – Circonstances climatiques calamiteuses (2000) et reports de défilés… En 2020, 2021, le défi de l’épidémie.
Tous ces soucis auraient pu leur faire baisser les bras depuis longtemps…
Un char antique, attelé à un bœuf soutient une hydre. Celle-ci s’identifie au carnaval qui renaît de l’adversité. Le char sort d’une grange, comme dans le passé. Les portes représentent le franchissement du temps et des siècles. Les cheminées et la charpente racontent le passé prestigieux qui a façonné l’histoire sociale et économique des Mauges, donnant ainsi à la ville entreprenante un élan qui se prolonge aujourd’hui.
Nos carnavaliers (qu’on pourrait surnommer rebelles réfractaires) ont donné du relief aux briques qui constituent les cheminées et les murs de bas en haut. Chaque petite plaquette a d’abord été découpée (Il en a fallu plus d’un millier) avant d’être collée puis peinte. Le soleil du 2 avril pouvait ainsi jouer avec les ombres et les rondeurs.
Pour le carnaval nocturne, les électriciens ont imaginé que les cheminées racontent leur histoire. Les voici fleuries au temps de la Belle époque. Le feu s’active dans les chaudières des machines à vapeur. Puis les cheminées s’affichent avec des motifs géométriques quand la ville s’agrandit et se structure de rues rectilignes. Soudain, les cheminées tremblent, se fendillent et s’écroulent. C’est le temps de la disparition progressive des manufactures qui ont fait la gloire passée de Cholet. Il n’en reste qu’une charpente métallique d’usine désaffectée. Puis le feu se rallume. Brique par brique, les cheminées se reconstruisent. Nouvel essor de l’industrie dans la ville et sa région.
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