La dernière Mi-Carême de la Belle Époque – 22 mars 1914
Mars est le mois du printemps, c’est aussi le dieu de la guerre. Dans quelques mois, la paix fragile va vaciller. Personne ne se doute encore de la tragédie qui va frapper la France et l’Europe, l’Europe et le Monde. La Belle Époque, du moins pour ceux qui peuvent en profiter, joue ses derniers flonflons. En France, la mobilisation commencera le 2 Août 1914.
Bienfaisance
Le 22 Mars 1914, sous le vocable « Grande Fête de bienfaisance », la Mi-Carême réunit tous les Choletais pour un ultime grand moment de joie partagée. Et comme si de rien n’était, à la fin des festivités, on se donne rendez-vous pour la Mi-Carême de 1915.
Le Cortège de la Reine du Mouchoir va sillonner la ville, récompensé par 2 000 francs de prix de toutes sortes, pour les chars, bien sûr, mais aussi pour les « voitures fleuries », les « voitures transformées », les « attelages », les « orchestres », les « groupes d’enfants » et autres cavaliers.
Rude climat
L’encadrement est sévère :
« Des pointages de présence seront faits en différents endroits du parcours. »
« Le défilé aura lieu quel que soit le temps. »
Et de fait, le temps de cette semaine de Mi-Carême a été très désagréable. Un répit frisquet sans pluie s’offre cependant à la fête.
Itinéraire
À la demande des participants « honoraires », le parcours a été réduit.
Avenue Gambetta, rue Nationale, rue du Commerce, rue Nantaise, rue de la Sous-Préfecture, la Grande Casse, rue Nationale, place Travot. Réception des reines au Foyer du Théâtre. Rue Nationale, rue du Puits-Gourdon, place St Pierre, rue du Coin, place Travot, boulevard Gustave-Richard, rue Travot, place du Marché aux Bœufs.
Voici les Carnavaliers
L’ouverture du « Cortège » des Carnavaliers est assurée, « comme d’habitude » par la musique du 77ème Régiment d’Infanterie, (qui sera dissous une première fois en 1923).
Le régiment a même son char : Vercingétorix et César, précédé de légionnaires romains « cuirassés de cuivre reluisant, le « bouclier au bras ». Il s’agit d’ailleurs de soldats marocains. Les Vautours de la Sierra, à cheval, Winchester au dos, précèdent Nick-Winter. Le Briquet automatique, « en avance à l’allumage » précède Le Grand Cirque de Malicorne qui a enrôlé la « Société des Enfants de Cholet. » Gare aux eaux de Mars (Roland Garros, Edmond Audemars, prononcer Garo zo de mars) – On y retrouve tout l’intérêt de Cholet pour l’aviation naissante – une escouade qui cherche abri sous des parapluies entoure Roland Garros* illustré tout en fleurs.
Cette brillante évocation est suivie du Cortège de la Noce bretonne de Landerneau qui n’a pas oublié le tonneau de cidre, le « clou » de cette Mi-Carême, précise-t-on.
L’automobile du «Progrès» emmène toute une ferme de gallinacés. Le Vieux Vendéen est bouleversé par le monde contemporain. Puis ce sont Les champions de la Gaule, Les Mégères en grève.
La Balayeuse mécanique, maniée par ses inventeurs cyclistes – des précurseurs ! nettoie habilement devant le grand char Une Laiterie en Fraude, attelé à quatre bœufs avec un joug Guérineau. La Vache ! et c’est ce char qui va emporter le premier prix !
Dans un tout autre genre Les Gardes Françaises, à perruques blanches et en habits bleu-roi, encadrent Le Duc de Parme. Son carrosse a été réalisé par Monsieur Bouju. Il est attelé à quatre chevaux.
Un Émule de Pégoud et L’Œuf en l’Air sont voisins sous l’œil de La Reine des Blés d’Or. Le char de la Fressure rend hommage aux goûts de Gargantua.
« Demain , à la Zignière, à Saint-Léger,
Les gars et les filles vont en manger !
La fressure, les boudins
On en mange soir et matin…»
Les Reines du Mouchoir
C’est à l’ombre des palmiers que Les Reines du Mouchoir président le « cortège » : Rose Roger, Reine du Mouchoir, Marie Alberteau, Marguerite Blouin, Demoiselles d’honneur.
Elles ont été élues par l’ensemble des « ouvrières brodeuses et confectionneuses de ces trois maisons : Supiot, Turpault et Sourice. » En demoiselles soumises, on les a vues sortir du théâtre au bras des membres du Comité des Fêtes, comme des mariées…
Autres belles illustrations de cette Mi-Carême : La Famille Pierrot donne une image ensoleillée et poétique du printemps nouveau.Moulin Rouge animé par l’Harmonie choletaise, Les Crocodiles en balade, La Reine des Crocodiles, Les danseuses Espagnoles, la Croûte médaillée au salon, la Victime du Progrès (déjà!), Deux Titanias, Le Ballon, La Noce Alsacienne, L’Hygiénique Cordon Bleu, L’Hôtel du Bœuf couronné, La Veillée sous la Grange, La Hotte du Père Fouettard, Les Fileuses de la Reine, Le Bon jus de la Pomme, La Vendange, Le Réticule, J’suis sous les verrous, La Traversée de l’O en nageant…
Les Festivités s’achèvent pour longtemps
Le Comité des fêtes « adresse ses sincères remerciements à tous ceux qui ont bien voulu aider la réussite du Cortège du Mouchoir »
Après la retraite aux flambeaux, la fête se termine autour de l’embrasement du char de la Fressure.
L’année précédente, un char futuriste de la Mi-Carême s’était particulièrement illustré : L’Aviation en 1940. Les Carnavaliers de 1913 étaient loin de se douter que 1940 serait synonyme de nouvelle tragédie pour la France.
* Roland Garros fut l’invité des Fêtes du 14 Juillet 1910 à Cholet où il obtint son brevet de l’Aéro-Club de France, le n° 147, le 19 Juillet. Il revint à Cholet en 1912 et en 1914. Le 27 Novembre 1999, l’Aérodrome de Cholet prendra officiellement le nom de « Roland Garros » (L’Aérienne choletaise).
Extraits journaux : L’Intérêt Choletais, L’Intérêt Public, Le Petit Courrier
Archives des Carnavaliers de Cholet.
28 mars 2017
C’est émouvant pour moi de voir les images des reines du mouchoir de 1914. La demoiselle d’honneur était ma grand-mère que, malheureusement, je n’ai pas connue. Merci pour cet hommage. C’était la maman de mon papa Marie Alberteau épouse Bernard.